Loto-Québec va vérifier l'étanchéité de sa sécurité
Denis Lessard
La Presse - 26 octobre 2006
Loto-Québec n'a jamais fait le recoupement entre les gagnants de ses lots et la liste des propriétaires de dépanneur qui vendent ses tickets.
Une vérification sera toutefois faite à Loto-Québec, à la lumière d'une enquête du réseau anglais de Radio-Canada qui montre que les intermédiaires dans la distribution des billets ontariens ont une chance phénoménale au loto.
La société d'État n'en croit pas moins qu'il est impossible de frauder les gagnants qui prennent des précautions élémentaires avec leur billet, a soutenu hier Jean-Pierre Roy, porte-parole de Loto-Québec.
Depuis 1999, les billets gagnants de Loto-Québec émettent un signal sonore particulier quand ils sont passés sous la valideuse. En outre l'afficheur, qui doit être visible par le client, indique la valeur du lot gagné, précise M. Roy. «Même les employés de Loto-Québec ont le droit d'acheter des billets. On a confiance dans l'intégrité de nos systèmes de contrôle, mais devant ce qui s'est passé en Ontario, on va revérifier tout cela», d'ajouter le porte-parole de la société d'État.
«Le client a plusieurs moyens de s'assurer qu'il reçoit le plein montant de son gain. On lui conseille de vérifier au préalable avant d'aller au dépanneur. On suggère aussi d'endosser son billet, personne d'autre ne pourra l'encaisser. Aussi quand il fait valider son billet gagnant, le client entend une musique, voit l'affichage et a le droit d'avoir le coupon de validation qui est émis à ce moment», souligne M. Roy.
Loto-Québec devra vérifier les liens entre ses gagnants et les revendeurs de billets, convient-il. Par ailleurs, ces intermédiaires sont fréquemment de gros consommateurs de tickets - les billets qu'ils prennent de Loto-Québec sont présumés vendus, même si ces revendeurs ne parviennent pas à tous les écouler. Aussi les patrons de dépanneur se retrouvent souvent, en payant leur part, à compléter les achats collectifs de leurs clients.
Le système de loterie publique en Ontario a les mêmes systèmes de protection, ce qui n'a pas empêché de constater que les propriétaires de dépanneur et les commis chargés de vendre les billets sont largement surreprésentés parmi les gagnants. Pourquoi des mesures seraient-elles étanches au Québec et non en Ontario? «Si un client s'en remet totalement à l'honnêteté du préposé... il y a un risque. Comme lorsqu'on achète quelque chose, il faut s'assurer qu'on en a pour son argent», résume M. Roy.
Selon l'émission The Fifth Estate, diffusée hier soir par la CBC, 214 personnes du réseau de distribution de la loterie en Ontario ont, depuis 1999, remporté des prix de 50 000$ ou plus, un constat qui ne peut résulter du pur hasard, selon le responsable de l'enquête, l'universitaire torontois Jeffrey Rosenthal. La société ontarienne de loterie publique a sur le champ contesté les conclusions de CBC.
Les deux tiers de ces prix auraient, selon le reportage, été obtenus en fraudant le détenteur du billet gagnant. Les personnes âgées sont surtout susceptibles d'être bernées par le commis ou le propriétaire d'un dépanneur, qui leur dit que leur billet n'est pas gagnant ou qui leur donne un lot bien moindre que celui auquel ils ont droit.
Ex-président de Loto-Québec, Michel Crête, souligne que de telles fraudes ont été constatées au Québec à la fin des années 90, des dérapages vite corrigés par les mesures de sécurité mises en place par la société d'État. C'est à cette époque que l'on a instauré des valideuses qui identifient les billets gagnants. «À l'époque, il n'y avait pas d'affichage parce que les gens craignaient d'être identifiés comme gagnants par les autres clients», explique M. Crête.
Avant l'implantation de ces mécanismes, le commis du dépanneur devait composer le numéro du billet à valider sur l'écran, ce qui donnait prise à des erreurs, volontaires ou non.
Quelques cas: il y a une dizaine d'années, à Montréal, une personne âgée avait été dépouillée d'un billet gagnant par son dépanneur. Mais comme sa fille avait noté le numéro gagnant, les enquêteurs de Loto-Québec ont pu faire en sorte que le véritable gagnant empoche le lot.
Un an plus tard, on ajoutait l'affichage, pour indiquer au client la valeur de son prix.
Un autre vendeur s'était présenté à La Poule aux oeufs d'or avec un billet gagnant qu'il avait récupéré d'un client, et s'est fait épingler par la police au studio de télévision.
«Si les gens ne vérifient rien et se fient à la parole du vendeur... l'humain est humain», soutient l'ex-patron de Loto-Québec.
Inversement, des clients viennent souvent réclamer des sommes importantes alors que le lot qu'ils ont réellement remporté est bien moins élevé. Des clients essaient même de fabriquer des billets de loterie instantanée - des gratteux - à l'aide d'un exacto, des fraudes facilement identifiées, note M. Crête.
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