Discussion avec Marie Roberge

Dans le cadre de la première série Plume qui pète dans ‘yeule!, j’ai le plaisir de vous présenter Marie Roberge qui vais s’entretenir avec nous pour la prochaine heure.

Marie est écrivaine, peintre et admiratrice depuis quelques temps de graffiti. Féroce admiratrice de cette forme d’art controversée, Marie Roberge organise plusieurs événements autour de cet art méconnu qu’est le graffiti : Les graffiteurs rendent hommage à Riopelle, 2002 et
Touche à ma cannette! 2003. De sa collaboration avec les graffiteurs va émerger un recueil de témoignages : L'Art sous les bombes, paru chez Lanctôt éditeur en 2004. Elle vient de publier chez le même éditeur le Carnet de Riopelle.

Donc je vous lance la balle! Posez-lui toutes sortes de questions et qu’on en fasse un échange enrichissant pour tous.

Pour un peu briser la glace, Marie, je vous lance la première question!

Marie, t’as beaucoup travaillé avec des graffitistes et des gens qui admire cette forme d’art plus ou moins mystérieuse. Crois-tu que le graffiti en tant que forme d’art s’enligne à être de plus en accepté par la société? Est-ce quelle va faire le saut des ruelles urbaines aux galeries d’arts? Et finalement, est-ce que ce changement est bon pour la forme d’art du graffiti ou est-ce que ça va nuire à l’aspect underground et discret du graffiti?

La puissance du graffiti, son énergie vitale tient de son caractère illicite. Une galerie pour graffitis? Hmmm....

Master Baeta, un tagueulien de la région de Toronto qui ne pouvait pas être ici ce soir aimerais vous demander :


On voit souvent le graffiti réutiliser, pour ne pas dire exploiter, par certaines corporations pour rehausser leurs campagnes publicitaires (je pense par exemple à Nike, Coke, Mcdo et Adidas). J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette pratique. Est-ce que ça met en valeur le talent des artistes de la rue ou est-ce que ça ne fait que diluer le graffiti et tout ce que ça signifie....?

En plus, le graffiti n'est toujours pas accepté dans la cité, rien n'a changé de ce côté!

C'est une façon magnifique de profiter des artistes, d'abuser de leur création et de les mettre de côté ensuite. La consommation est la consommation, c'est à dire qu'on mange les petits pour engraisser les toujours plus gros

Marie Roberge a écrit:

C'est une façon magnifique de profiter des artistes, d'abuser de leur création et de les mettre de côté ensuite. La consommation est la consommation, c'est à dire qu'on mange les petits pour engraisser les toujours plus gros

Bien dit...

Moi j'avais une question pour toi Marie.

Y'a-t-il des styles de graffitis spécifiques à certaines cultures? Lesquelles aimes-tu le plus? Comme je sais qu'au Brésil, je crois, c'est un style très distinct, bien défini, belles ombrages, etc.... Lesquelles préfères-tu?

J'avoue que je n'ai aucune préférence... Je suis la plupart du temps éblouie par la dextérité des graffiteurs. Bien sûr, une fois dépassé les lettrages de base mais je suis loin d'être une experte dans le domaine... Ça me prend encore tout mon petit change pour saisir ce qui est écrit à travers les graffitis... J'ai besoin d'un décodeur... L'effet 3D m'impressionne à chaque fois ça, c'est sûr! J'ai une formation de peintre en trompe-l'oeil, on ne se refait pas!!!

Question évidente mais à la fois niaiseuse… Ouvre d'art ou vandalisme? Les graffitis sèment la controverse. La plupart des municipalités opte pour la seconde définition et veulent mettre fin à ce qu'elles qualifient de plaie urbaine. D'autres, en revanche, perçoivent dans ce mode d'expression un art à part entière. Je ne vais pas te demander où est-ce que tu te situes dans cette éternelle bataille, mais plutôt, j’aimerais savoir ce que tu penses du fait que ce débat semble toujours refaire surface. Est-ce un combat qui se réglera un jour? Si oui, de quelle façon. Si non, pourquoi?

Le débat s'arrêtera, s'il doit s'arrêter, quand les gens de pouvoir accepteront d'écouter. Gens de pouvoir: policiers, professeurs, parents, députés, conseillers municipaux, etc etc. Plus facile d'écraser que d'écouter, plus rapide mais tant que ce qui doit être entendu ne l'est pas, le même cri va toujours et toujours se faire entendre... Que ce soit au sujet du graffiti ou du racisme ou du sexisme ou de tout ce qui est isme...

Marie Roberge a écrit:

Le débat s'arrêtera, s'il doit s'arrêter, quand les gens de pouvoir accepteront d'écouter. Gens de pouvoir: policiers, professeurs, parents, députés, conseillers municipaux, etc etc. Plus facile d'écraser que d'écouter, plus rapide mais tant que ce qui doit être entendu ne l'est pas, le même cri va toujours et toujours se faire entendre... Que ce soit au sujet du graffiti ou du racisme ou du sexisme ou de tout ce qui est isme...

Qu'est-ce que tu penses qui est à la base du graffiti? Je sais qu'historiquement c'était en protestation (guerres, politiques, etc...) mais de nos jours, est-ce encore les mêmes raisons?

Pour moi, ce n'est pas difficile à reconnaîter: un tag, comme un crachat jeté à la cannette sur un mur, sans aucune esthétique, c'est du vandalisme causé par un (e) jeune en détresse qui veut hurler sa rage. Ensuite, le même jeune peut découvrir un plaisir à la peinture et vouloir évoluer apprendre des autres et ce qui était du vandalisme devient une passion et le vandale un artiste. Et ce qu'il fait alors, c'est de l'art!
Il peut aussi cesser au bout d'un an et se défouler autrement ou se caser.
Le point est, pour moi: d'où vient cette rage? En posant la question, tu te doutes que j'ai moi-même une réponse.

Est-elle encore là?

Si oui, j'ai une autres question:

J'ai lu sur ce forum qu'une école en Colombie-Britannique vient d’installer un système d’arrosage d’eau qui détecte le mouvement et qui se met à cracher de l’eau sur les murs et sur les graffiteurs. Ceci dans le but d’éliminer les graffitis sur les murs de leur bâtisse. Que penses-tu de cette nouvelle pratique? Est-ce une façon efficace de se débarrasser des graffiteurs ou simplement une douche gratuite pour les sans abris?

J'espère qu'ils voulaient offrir une douche aux sans abris car je ne crois aps que quoique ce soit vienne à bout d'un graffiteur décidé!!!

Enfin, j'espère... La répression, que ce soit sous forme de douche ou autre, ne résout en rien le fossé entre les jeunes et la société établie!

Marie Roberge a écrit:

J'espère qu'ils voulaient offrir une douche aux sans abris car je ne crois aps que quoique ce soit vienne à bout d'un graffiteur décidé!!!

Rien qu'un parapluie n'arrête pas...

Une petite question...

Quelles conseils donnerais-tu aux jeunes (ou jeunes de cœurs) artistes qui veulent commencer à faire du graffiti? Y’a-t-il des ressources qui leurs sont disponible?

Visiter les sites web qui en parlent, il y a toute une confrérie très sympathique qui échange ses (més)aventures sur le web http://www.bombingscience entre autre, ou fréquenter le magasin qui se spécialise dans les bombes aérosol, s'il y en a un...

Mme. Roberge. Je suis un jeune artiste visuelle et je me demandais si vous fesiez carrière de votre art (peinture, écriture, etc.) ? Merci.

J'ai fait plusieurs expositions à Montréal mais la plume me réussit mieux, on dirait... J'ai plus de succès avec l'écriture mais n'en vit pas encore... J'ai quand même élevé six enfants, ce qui ralentit, veut veut pas la production!!!

C'est important de rester confiant dans sa passion, croire dans notre futur: la passion fait vivre!

T'as abordé l'écriture... exactement ce que j'étais aborder prochainement... Est-ce que tu as fait le saut des arts visuels vers l'écriture ou bien l'inverse? Et comment ça c'est-il passé? Les arts visuels sont une forme d'art très imagés et ton écriture aussi... c'étais-tu étrange faire le switch ou plutôt un shirt naturelle?

C'est arrivé d'une drôle de façon justement quand j'ai terminé la réécriture de L'Art sous les bombes, mon premier manuscrit. J'étais connu comme peintre et j'ai réalisé que je pourrais apporter beaucoup plus avec l'écriture, affirmer mes idées ouvrir des nouvelles idées... J'avais très peur, je t'avoue, comment mes collectionneurs prendraient ça! Mais ça s'est fait sans heurt!!!
Il faut suivre son intuition, ses rêves, ses désirs et sa passion!!!

Oh, je viens de penser à un autre question...

La collectivité ou l'individualité? En tant qu'artiste, je vis toujours avec l'éternel débat de travailler avec une gang d'artiste qui te motive et te nourri, mais qui en même temps peuvent facilement t'asècher, OU BIEN travailler seul, avec mes pensées, mes passions et mes idées...

Je crois que c'est un débat (ou du moins une pensée) qui croisent pas mal chaque artiste au cours de son parcours. Laquelle préfères-tu et pourquoi? Le confort de la collectivité ou la stabilité de l'individualité?

La création, selon moi, se fait seul(e) avec soi-même. Il faut être capable de se retrouver, de s'entendre, d'entendre le message qui jaillit de toi, la source ténue mais tellement puissante qui est en toi et dont tu es la seule détentrice... La solitude est essentielle au travail créateur, sans contredit!

Déjà 20h, ça c'est passé vite... y'a-t-il des dernières questions des tagueulien(ne)s avant qu'on se quitte???